Éducation, relations et émotions
Commentaire par Marie-Christine Seys, TSTA éducation
S’il est un livre que je recommande aux pédagogues de tous poils, mais aussi à tous ceux qui ont fréquenté un jour l’école, c’est bien celui de F. Hénaff, A. Le Guernic et C. Salon, si justement intitulé « un élève est aussi un enfant » et que j’aurais volontiers sous-titré : « ou ce qui se passe réellement derrière les murs de l’école » !
En effet, leurs points de vue croisés « d’expertes » à partir de leurs différents rôles dans l’institution scolaire – professeure des écoles, maître-formateur et directrice pour la première, inspectrice et formatrice pour la seconde et rééducatrice en RASED pour la troisième – argumentent et enrichissent intelligemment cette réflexion sur l’école tout en l’émaillant de nombreuses illustrations qui ont la saveur du vécu…
Je voudrais souligner ici quelques aspects de l’ouvrage qui m’ont paru particulièrement originaux et pertinents :
Tout d’abord l’évocation autant de la place et de l’expérience des « élèves-enfants » que de celles des adultes qui les accompagnent, dans leurs rôles différents et complémentaires à la fois ; le lecteur approche ainsi finement les subtilités de chacune des « positions » des acteurs (enfants, enseignants, parents) et de leurs interactions, mesurant mieux les paradoxes éducatifs… Elles s’intéressent par exemple à la part de « l’effet maître » sur la relation pédagogique marquée par le transfert et le contre transfert avec ses deux illustrations notoires : « l’élève –chouchou » et « l’élève –tête-à-claque » !
On y trouve aussi de nombreuses précisions sur le fonctionnement de l’école bien éclairantes pour le profane et même pour les initiés !
Ensuite le partage avec le lecteur des nombreuses stratégies susceptibles de faciliter la relation éducative, comme la régulation, l’apprentissage souple des codes sociaux, l’initiation au débat respectueux, la mise en place d’un cadre éducatif – ou rééducatif – ou encore les réponses possibles aux comportements agressifs ou le traitement des conflits à chaud !
Leur réelle culture dans le domaine de la psychologie, philosophie ou psychopédagogie nourrit cette réflexion et donne sens à ces procédures. En outre, leur connaissance éprouvée de l’analyse transactionnelle et leurs compétences en ce domaine confèrent une acuité particulière à leur discours : elles montrent par exemple comment penser les relations à l’école, en particulier la relation entre les élèves et entre les enseignants, ainsi que la relation de l’enseignant à l’élève et de l’élève à l’apprentissage, à la lumière des concepts de l’AT.
Ainsi les jeux psychologiques, à l’origine de conflits répétitifs parce qu’ils mettent en œuvre le scénario – c’est-à-dire l’histoire intime de chacun – peuvent-ils être en partie endigués par la mise en place d’une « autre relation éducative » fondée sur des procédures protectrices et facilitantes : le processus de réussite est en effet favorisé par l’élaboration du contrat de classe collectif en début d’année , avec les règles clairement énoncées et les permissions ciblées pour aider chacun à trouver sa puissance personnelle et sa juste place au sein de l’institution ou de la classe ; ou encore par le contrat de réussite individuelle qui personnalise la progression et stimule la motivation.
L’accent est mis en effet sur le processus éducatif et son analyse pour faciliter la relation pédagogique ou institutionnelle.
Enfin – et ce n’est pas le moindre mérite de ce bel ouvrage à trois voix sur l’école, les auteures ont réussi ce challenge d’en rendre la lecture attrayante comme celle d’un roman dont on attend le chapitre suivant avec gourmandise tant le style est fluide et l’intérêt soutenu jusqu’à la fin…
Je souhaite une bonne lecture donc à chacun de ceux qui l’ouvriront, que ce soit pour y retrouver le goût de l’enfance dans les anecdotes ou propos d’enfants qui le jalonnent ou pour y découvrir de nouvelles manières de guider ces enfants à l’école comme en famille, afin qu’ils acquièrent la belle permission de grandir, d’apprendre, et de devenir des citoyens éclairés.
Marie-Christine Seys Le 15 mai 2012.