L’éducation est un vaste domaine multiforme, qui concerne une grande variété de professionnels, d’où l’importance de définir un peu précisément celui-ci.

Actuellement en effet la définition du champ éducation de l’analyse transactionnelle proposée par l’EATA paraît un peu restrictive aux didacticiens de ce champ car elle est principalement tournée vers l’enseignement comme si les mots « éducation » et « enseignement » étaient superposables, ce qu’ils ne sont pas. De plus la prévention et la rééducation ne sont pas mentionnées : les métiers de puéricultrice et accompagnants de la petite enfance, éducateurs et rééducateurs, médiateurs et orthophonistes, ainsi que le soutien à la parentalité et à la grand-parentalité relèvent bien aussi du champ de l’éducation.

A l’initiative de la « délégation éducation de l’IFAT » plusieurs TSTA et PTSTA francophones (Suisse, Belgique et France) ont travaillé à une nouvelle définition, plus précise et 18 l’ont co-signée.
La voici :

Définition du champ éducation de l’analyse transactionnelle

« Le champ éducation concerne les personnes intervenant auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes, de familles, de collectivités et d’institutions en vue de promouvoir l’autonomie et l’insertion sociale des personnes et des groupes. Le but visé est la croissance individuelle et professionnelle dans ses dimensions d’instruction, de socialisation et de réalisation de soi.

Cela englobe entre autres :

  1. les professionnels de l’apprentissage et de l’enseignement dans des cadres préscolaires, scolaires et universitaires.
  2. les professionnels de la rééducation dans et hors institution scolaire
  3. les professionnels de l’action éducative hors institution scolaire
  4. les professionnels de la formation impliqués dans l’accompagnement d’équipes et le développement d’institutions éducatives et sociales »

L’objectif

L’objectif est de permettre aux différents professionnels de l’éducation de s’y reconnaître et de trouver leur place dans ce champ.

Le champ de l’éducation, quel que soit l’âge considéré, s’inscrit dans un objectif de prévention c’est-à-dire visant à maintenir et accroître la santé physique et psychique « mens sana in corpore sano » en favorisant les apprentissages la rééducation en même temps que la communication institutionnelle et l’insertion sociales à travers trois principaux aspects : interventions au sein des institutions et collectivités, travail avec les groupes et accompagnement individuel.

Quelques illustrations permettront à titre d’exemples de se représenter les facettes variées spécifiques de notre travail avec l’AT :

Les enseignants et l’institution scolaire

En ce qui concerne les enseignants et l’institution scolaire, nous pouvons évoquer par exemple l’instauration du « protocole de classe » qui permet en début d’année de satisfaire les besoins fondamentaux des élèves comme de l’enseignant. Il s’applique dès le tout jeune âge avec des modalités adaptées. Il fait référence au concept des « 3 P : Permission, protection et puissance  » qui stipule que l’énergie mise au service du travail, de la réussite et de l’apprentissage de la citoyenneté est étroitement liée à la qualité de la protection – apportée par la mise en place de règles justes, expliquées assorties de sanctions clairement énoncées en cas de transgression et proportionnelles à cette dernière – en même temps qu’à l’instauration de permissions négociées en cohérence avec les règles. Elles constituent « la respiration » de la classe et de l’enseignant qui perçoit rapidement les bienfaits de cette dynamique : calme, sécurité et respect de chacun et du matériel ! Ce moment d’élaboration du protocole de classe est grave et joyeux à la fois par sa façon de satisfaire les besoins de stimulation, sécurité et reconnaissance en début d’année. Ce protocole est validé en chaque fin de trimestre par le bilan précis que chaque élève avec l’enseignant est invité à faire pour confirmer son utilité et renégocier ce qu’il y a à renégocier. La puissance juste de l’enseignant comme des élèves, fondée sur la confiance ainsi établie chacun pouvant penser par lui-même, s’exprimer et faire d’autres choix, s’en trouve dynamisée.

Apprendre à donner, à recevoir, à accepter, à refuser des signes de reconnaissance dans la classe et à l’école permet de sortir en partie de la quête de ceux-ci à travers les jeux psychologiques, et libère une énergie positive disponible pour les tâches scolaires.

A l’école maternelle

À l’école maternelle où les contes sont quotidiennement présents la lecture du conte « chaud et doux des chaudoudoux « de Claude Steiner est une possible introduction à la mise en place d’un protocole de circulation de signes de reconnaissance. A cet âge, ici cinq ans, le concret et les manipulations sont à la base des apprentissages. Aussi les signes de reconnaissance vont être matérialisés par des post-its sur lesquels les enfants sont invités à dessiner des « chaudoudoux « ou des « froids piquants ». Chaque élève possède une feuille à son nom. Celles-ci sont affichée sur un mur , prêtes à recevoir les post-its . Chaque enfant à a sa disposition une boîte dans laquelle il peut ranger ses chaudoudoux. A la fin de chaque semaine, il peut emporter ses chaudoudoux ou bien les conserver en classe. Il arrive que des froids-piquants soient distribués. C’est le moment d’apprendre à donner des strokes négatifs conditionnels de manière acceptable pour l’autre. Cet apprentissage se fait en grand groupe.

Les enfants sont de fins observateurs et cet apprentissage se fait aussi par modélisation. Les signes de reconnaissance conditionnels positifs ou négatifs sont les outils de l’éducateur, qui consolident les Permissions de grandir, de penser, d’entreprendre et de réussir, émanant des états du moi Parent positifs, assurant un développement sain de l’enfant, stimulant son envie de grandir.

L’éducation spécialisée

En ce qui concerne l’éducation spécialisée, dans ou hors institution (accompagnement à la vie sociale, à la parentalité, prévention spécialisée, accompagnement éducatif en milieu ouvert, insertion ou réinsertion professionnelle…), le champ est vaste. Il s’agit à la fois d’interventions auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes, présentant des difficultés d’ordres éducatif, social, physique, sensoriel, mental ou psychique. La question centrale du travail de l’éducateur et du rééducateur est de permettre à la personne de se développer et d’accéder à une autonomie sociale et parfois professionnelle.

Le but est d’aider l’enfant, l’adolescent ou l’adulte en difficulté ou handicapé à stimuler voire renforcer son état du Moi Adulte afin de développer ses capacités cognitives. Il apprend peu à peu à penser par lui-même, à faire des choix éclairés en lien avec sa situation ; à sortir de la symbiose de l’enfance ou celle liée au handicap pour devenir un adulte responsable, un parent soucieux de ses enfants et de ce qui lui incombe dans leur éducation. Cet accompagnement vers la vie adulte est un travail du quotidien qui passe par divers apprentissages tels que : repérer ses propres besoins et faire des demandes claires plutôt que d’attendre que l’autre le prenne en charge comme cela a été fait bien souvent auparavant ; tenir compte de ses limitations pour une juste évaluation de soi, de ses possibilités et potentiels ; renforcer l’estime de soi pour oser aller de l’avant… Chaque personne étant par essence unique, le travail mené avec elle le sera aussi, même si le groupe peut aussi être porteur de sens et devenir miroir de sa propre histoire et de son évolution.

L’accompagnement des équipes

En ce qui concerne l’accompagnement des équipes éducatives, pédagogiques et institutionnelles aussi l’AT permet d’expérimenter les bienfaits de la régulation ainsi que les effets positifs de l’analyse réflexive des pratiques, où l’animateur AT accompagne, à l’appui d’un protocole, l’échange des professionnels qui viennent là présenter des situations problématiques. La vertu de ces groupes, c’est l’élargissement du cadre de référence et le soutien, entre autres : car le groupe soutient et contient la réflexion. C’est la réflexion groupale qui « décontamine » en quelque sorte le regard subjectif à travers lequel les professionnels voient leurs pratiques. C’est modélisant aussi. Un travail sur les options peut y être engagé ; et ce, sans qu’on aille dévoiler la dimension intrapsychique de l’exposant : justement, l’Analyste Transactionnel sait border, à l’aide d’un contrat clair, ce qui peut être dit, questionné, ou non.

On mentionnera également ici la dimension organisationnelle de l’AT appliquée à l’ éducation puisque notre responsabilité en institution amène aussi parfois à des contrats d’accompagnement qui visent à diagnostiquer de manière plus « systémique » le pourquoi de certains blocages ou résistances à la croissance.

Au sein de la famille

Dernier exemple au sein de la famille : la relation éducative au sein des familles ne va pas toujours de soi. Les groupes de parole permettent aux parents qui y participent d’analyser et comprendre puis d’agir sur les processus relationnels familiaux. De génération en génération on se transmet des messages concernant l’éducation. Le fait de prendre conscience de ces filtres internes donne aux parents la permission de choisir le mode d’action le plus adapté à leur vie familiale.

Le rapport à l’autorité s’invite souvent dans les situations proposées par les parents et c’est l’occasion de revisiter ce qu’est une autorité saine : un Parent Normatif positif et cadrant et sécurisant et un Parent Nourricier positif soutenant et encourageant pilotés par l’Adulte avec la connivence de l’Enfant Libre. L’analyse des jeux psychologiques permet un éclairage des situations conflictuelles et des options de résolution de ces conflits. Bien d’autres analyses des situations peuvent être faites à partir de la grille de lecture de l’Analyse Transactionnelle des rapports humains. Au cours de ces réunions les parents consolident leur rôle auprès de leurs enfants et prennent confiance en leurs capacités d’éducateurs.

Conclusion

Ainsi, dans le champ éducation, l’analyse transactionnelle grâce à sa richesse théorique permet de penser autrement les rapports humains tant éducatifs que psychologiques, sociaux qu’institutionnels et de favoriser l’émergence d’options créatives variées grâce à une posture différente de l’éducateur ou du responsable institutionnel ou social.

Marie-Christine Seys

Avec la collaboration de Valérie Gagelin, Jean-Paul Godet, Véronique Guelfucci, Agnès Le Guernic et Françoise Hénaff

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