Auteur : Nicole PIERRE – TSTA

Les enfants, les adolescents qui « décrochent » en classe sont-ils des enfants qui n’ont pas d’intérêt, qui sont apathiques, qui s’ennuient, ou des enfants qui sont sous tension, toujours agités, qui font des erreurs, des étourderies, qui ont des problèmes de mémoire ? Est ce que ce sont des enfants non motivés ou des « élèves en difficulté » ?

Qu’est-ce qu’un enfant en difficulté ?

Comme le dit très bien François Marchand (cf Le Journal des Psychologues – Avril 96 – n° 136), c’est très souvent celui qui a mûri plus lentement que les autres et qui toutefois doit comme les autres apprendre selon les normes, l’âge, le programme, etc…

C’est aussi celui qui se dévalorise, qui peut-être n’a pas été stimulé dans ses tentatives antérieures ou qui, lors d’expériences, a connu un sentiment désagréable comme la honte qui maintenant l’inhibe.

A-t-on des solutions pour aider ces enfants, ces jeunes qui présentent des troubles de l’apprentissage ou du comportement ?

Certes, l’élève en difficulté a besoin qu’on l’aide. Mais aider ce n’est pas le rendre dépendant. Aider c’est le remettre sur les rails, en lui faisant prendre conscience de ses ressources, en lui montrant comment les utiliser, en évacuant ses « ancrages » négatifs et c’est l’« accompagner » dans ses actions en le rendant responsable.

L’élève en difficulté nécessite plus d’attention et nous avons besoin d’avoir une trousse à outils pleine, compte tenu de la diversité, de la complexité de l’individu, si nous voulons repérer les blocages et les éliminer. Le rôle de l’enseignant ou du consultant en éducation est d’accompagner le jeune, de l’aider à apprendre, à changer, à fonctionner selon ses critères dans un grand respect de sa personne.

I – Des outils pour comprendre et accompagner un enfant en difficulté.

Je suis avant tout une praticienne avec une longue expérience en milieu scolaire, donc en groupe, et en individuel ; j’ai constaté qu’un travail centré sur les problèmes de l’enfant l’amène à retrouver de l’intérêt pour l’école et le goût de l’apprentissage. Je propose quelques réflexions issues de ma pratique.

Ma référence de base est l’Analyse Transactionnelle . Elle me permet de comprendre les comportements des jeunes, de faire des diagnostics sur les causes des difficultés, de trouver des remédiations, d’intervenir sur une base contractuelle, en respectant les limites de mes actions dans le champ éducatif, dans l’ici et maintenant.

Les autres outils se réfèrent principalement à la Gestion Mentale , à la P.N .L. , aux travaux de Carl Rogers et Thomas Gordon :

  • La Gestion Mentale comme capacité à gérer des ressources intellectuelles permet d’apprendre à apprendre
  • La P.N .L. offre un éventail d’outils pour l’observation et la prise en compte du comportement extérieur de l’individu.
  • Les techniques de communication de Carl Rogers et Thomas Gordon aident dans l’entretien.

D’autres approches comme le yoga , la sophrologie, la visualisation , adaptées à l’école, permettent de « recentrer » l’enfant et de le mettre dans des conditions favorables à l’apprentissage.

Parmi les besoins fondamentaux (cf. la Pyramide de Maslow), ceux que les enfants doivent satisfaire pour pouvoir apprendre sont :

  • les besoins de sécurité, pour pouvoir ensuite créer des liens et se reconnaître membre d’un groupe,
  • les besoins d’appartenance, d’amour, avec les permissions de ressentir et d’exprimer ses sentiments, de ne pas être d’accord, de faire des erreurs, d’être différent, avant d’accéder au niveau suivant,
  • les besoins d’estime de soi, avoir confiance en soi, se reconnaître comme estimable, être reconnu pour ses compétences.
  • enfin, les besoins d’auto-réalisation qui vont permettre d’accéder un jour à l’autonomie.

Les outils de l’Analyse Transactionnelle permettent de travailler sur la satisfaction de ces besoins.

II – Un processus d’apprentissage.

1 – Prendre conscience des modes d’apprentissage.

Une étape très importante pour l’enfant en difficulté, c’est la prise de conscience de ses divers processus mentaux, des différentes formes d’évocation mentale qui lui permettent de faire attention, mémoriser, comprendre, réfléchir, imaginer et par conséquent de développer la confiance en soi.

 » La gestion mentale en responsabilisant l’élève lui procure les moyens de conquérir son autonomie pédagogique… . Il a enfin les moyens de se prendre en charge et il apprend ce qu’il doit faire pour réussir «  ( A. de La Garanderie )

Les aptitudes scolaires sont classées dans différents domaines :

  • de la gestion du quotidien (choses – êtres -scènes – gestes),
  • des apprentissages mécaniques de base, des automatismes (le « par cœur »),
  • des opérations complexes : l’analogie, la déduction, l’induction,
  • de la créativité, de l’imaginaire.

2 – Quitter les préjugés et les illusions.

Les outils de l’Analyse transactionnelle, conjugués à la Gestion Mentale , aident à comprendre puis à accompagner l’enfant pour résoudre ses problèmes ; par exemple :

  • s’il s’agit de préjugés : « Dans ma famille, on est nuls en maths… forcément je ne comprends pas »
  • s’il s’agit d’illusions : quand l’élève sait parfaitement ses leçons mais ne peut répondre à une question qui s’y réfère : « Si je sais ma leçon par cœur, je réussirai » pense t-il, alors que le professeur se dit : « Il récite par cœur et ne comprend rien ».

3 – Reconnaître les compétences de l’enfant.

Aider ce n’est pas « faire à la place »

Souvent, si l’enfant fait appel à la compétence de quelqu’un d’autre, c’est qu’il ne tient pas compte du fait qu’il a la capacité. Cette dévalorisation a été encouragée par l’éducation , l’enfant n’a pas été stimulé pour faire des essais, des erreurs, on ne lui a pas fait confiance.

Si on lui apprend qu’il peut recevoir des signes de reconnaissance à tout moment, il va être nourri, il va être valorisé pour tous les efforts qu’il faits, il va constater que la réussite fait du bien.

4 – Apporter une remédiation au processus scénarique.

Mais que faire avec un enfant qui semble complètement inhibé ?

D’où vient cette inhibition ?

Peut-être un jour, s’est-on moqué de lui, lui a-t-on fait honte ; alors il s’est forgé la certitude qu’il n’est pas capable, que les autres, eux, sont plus intelligents que lui, et que le niveau de la classe est beaucoup trop élevé, alors il renforce ses croyances de souvenirs désagréables d’échecs, de vexations, qui vont conforter ses idées.

La crainte de revivre de tels moments peut provoquer des manifestations physiques comme des douleurs (mal au ventre, nausées….), au moment d’aller à l’école. En classe, c’est le blocage, l’enfant, tendu et défensif, ne peut plus penser.

Le « système de scénario », concept développé par Richard Erskine et Marilyn Zalcman explique tous ces symptômes qui engendrent les dysfonctionnements scolaires et permet d’y remédier. Après avoir clarifié comment l’enfant met en oeuvre ses décisions anciennes, on peut reconstruire un nouveau circuit, positif, à partir de ce qu’il est capable de faire , puis l’amener à prendre de nouvelles décisions .

III – Quelques idées d’accompagnement

Que peut-on proposer aux élèves qui « décrochent » pour les aider à se reconstruire ?

Comment pouvons nous en classe préserver ce que Philippe Meirieu appelle « l’espace de sécurité » ? « L’école échoue encore plus sur la prise de parole que sur écrire. », a-t-il dit.

Voici quelques suggestions :

  • L’entretien pédagogique , c’est une phase spécifique de la gestion mentale : des questions précises permettent de repérer la structure mentale de l’enfant pour l’aider ensuite à intégrer des contenus.
  • Le contrat de réussite individuelle ou d’amélioration de comportement . C’est un tremplin pour responsabiliser le jeune puisqu’à partir de la situation présente, il décrit son objectif puis les moyens qu’il mettra en œuvre pour l’atteindre et les obstacles qu’il peut rencontrer. Cette forme de contrat le rend acteur de sa réussite.
  • Des séances de méthodologie pour parler avec les enfants en fonction de leurs difficultés, de la façon de réviser un contrôle, d’apprendre une leçon…
  • Des séances de régulation (technique d’animation de groupe) au cours desquelles les élèves apprennent à exprimer leurs sentiments, leurs émotions dans un contexte protecteur ( avec des règles strictes : confidentialité, pas de jugement etc…).

Ce sont des séquences où la parole circule, où le jeune décide de ses propres choix de ses propres options parce qu’il se sent écouté et accepté.

Conclusion

Améliorer la communication avec l’élève, c’est l’aider à trouver sa motivation, à améliorer son travail puisqu’il se sent reconnu avec ses différences et reçoit les compliments appropriés qui l’énergétisent selon qu’il a besoin d’être accepté pour ce qu’il fait et pour ce qu’il est.

C’est la satisfaction du besoin de reconnaissance qui permet d’établir une image positive de soi.
« Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils pourraient être
et vous les aiderez à devenir ce qu’ils sont capables d’être »
Goethe

Nicole PIERRE est analyste transactionnelle, T.S.T.A.E., consultante en éducation (spécialiste en Gestion Mentale, praticienne en P.N.L. )

Elle forme des consultants en éducation intervenant auprès de jeunes en difficulté : enseignants, éducateurs, parents…

Bibliographie

ROGERS, Carl , Le développement de la personne (Dunod ).

Actualités en Analyse Transactionnelle : Les Editions d’analyse transactionnelle – 2 rue de l’Oratoire 69300 – Caluire

De la GARANDERIE , Antoine, Comprendre et imaginer , Le Centurion)

De la GARANDERIE , Antoine, Les Profils pédagogiques , (Le Centurion)

De la GARANDERIE , Antoine , TINGRY , Elisabeth, On peut tous toujours réussir (Bayard).

THIRY, Alain, LELLOUCHE, Yves, Apprendre à apprendre avec la PNL , (De Boeck)

PIERRE, Nicole, Pratique de l’analyse transactionnelle dans la classe avec des jeunes et dans les groupes, (ESF), p 70-76

ROGERS, Carl, Le développement de la personne , (Dunod)

GORDON, Thomas, Enseignants efficaces , (Le Jour)

FLACK, Micheline, De COULON, Jacques, D es enfants qui réussissent (Epi)

CAVALLIER François J. Paul, Visualisation (Inter Edition).

BERNE, Eric, Des jeux et des hommes , (Stock)

STEINER Claude, « L’économie de caresses » C.A.T., 1, p 98

Cité, n. 5. , p 87-91

ERSKINE, Richard, ZALCMAN, MARILYN , « Le circuit du sentiment parasite », C.A.T., 1, p 187

Cité, n. 5. , p 97-102

MEIRIEU , Philippe , Enseigner, scénario pour un métier nouveau (E.S.F.)

Cité, n. 5. , p 94-96

Cité, n. 5. , p 64-66

Cité, n. 5. , p 77-79

Cité, n. 5. , p 92-93

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